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CONSULTATION CITOYENNE ° VISION COLLECTIVE

ADVOCACY PLANNING

 

À la base de la philosophie de l’inclusion citoyenne dans les grands projets de rénovations urbaines vient la pensée de Paul Davidoff, planificateur urbain new-yorkais. Grâce à sa double formation d’urbaniste et d’avocat, celui-ci a développé la théorie du Advocacy Planning au courant des années '60, en réaction à la conception rationnelle de la planification, qui sous-tend au courant moderniste. Les deux concepts principaux sont la pluralité et le plaidoyer.

 

  • Pluralité: Reconnaissance et acceptation de la diversité des opinions et points de vue dans la société, et que celle-ci s'enrichit de cette diversité ;

  • Plaidoyer: «the act or process of supporting a cause or proposal» (Merriam-Webster). Le rôle de l’aménagiste change en un rôle de défense des valeurs d'un groupe d'intérêt à travers un projet urbain. C'est l'idée de contre-proposer plutôt que de critiquer, dans le but de faire avancer plus efficacement la réflexion collective et d'arriver ultimement à une situation gagnant-gagnant.

 

Un plan d’aménagement doit être porteur de valeurs et le mandat de garantir la défense de ces valeurs revient au planificateur. Cela permettrait à l’ensemble de la société de grandir à partir de sa pluralité, considérant que chaque groupe d’intérêts a la possibilité de proposer un plan reflétant ses propres aspirations, et que le projet final découle de la confrontation de ces différentes propositions.

 

Le mandat de 70°N était donc de de mener un rapport de vision portant les valeurs et l’identité particulière de la communauté. L’objectif d’un tel rapport est de créer un outil de conception qui teintera les futurs développements d’une vision commune.

 

 

SAVOIRS CITOYENS

 

La notion de pluralité mentionnée plus haut s’enrichit de la théorie des « savoirs citoyens », développée par Héloïse Nez, professeur-chercheure à l'Université François-Rabelais de Tours, en France, dans le domaine de la sociologie.

 

La notion de savoir citoyen s'oppose en quelque sorte au savoir institutionnel, qui prévaut traditionnellement en matière d’urbanisme. « En qualifiant leur apport dans les politiques publiques locales, l’approche par les savoirs citoyens prend le contre‐pied d’une conception élitiste de la démocratie, selon laquelle les citoyens seraient plongés dans l’ignorance dès lors qu’ils traitent des enjeux dépassant leurs intérêts immédiats » (Nez, p.388, 2011). Leur définition et leur classification sert ainsi à les légitimer par rapport aux savoirs institutionnels.

 

Nez fait état de trois catégories de savoirs citoyens:

 

   Savoirs d’usages : « Les savoirs d’usage sont les plus mobilisés dans l’urbanisme. S’appuyant sur l’expérience et la proximité, ils se réfèrent à la connaissance qu’a un individu ou un collectif de son environnement immédiat. [...] S’appuyant sur la coutume, l’utilisation, la consommation et le maniement, les savoirs d’usage viennent d’une pratique répétée d’un environnement, qui peut aussi s’inscrire dans la durée et constituer une mémoire des lieux. »

 

   Savoirs professionnels : « Les savoirs professionnels sont mobilisés par des individus qui réinvestissent dans les dispositifs participatifs des compétences techniques issues de leur pratique professionnelle. »

 

   Savoirs militants : « Les individus peuvent également mobiliser des savoirs militants qu’ils ont acquis au sein d’un collectif (association, parti politique, groupe informel, etc.) et qu’ils reconvertissent dans les dispositifs participatifs, ou qu’ils acquièrent en participant.»

 

 

Dans le cas de Maniitsoq, le savoir citoyen a été sollicité de deux différentes manières. D’une part, la formation des groupes citoyens relève du savoir professionnel de type expertise technique collective.

 

            « The municipality encouraged the residents of the town to establish citizen groups early in 2009. Soon after, four different groups, each with their own theme, started to work. Together they covered issues like 1) infrastructure and housing, 2) education and employment, 3) family, health and leisure, and 4) culture and tourism. This resulted in a report with a list of specific suggestions for improvements, based on local knowledge.

 

            The municipal officials found the different contributions from the citizen groups surprisingly qualified and innovative, and when the Municipal Council left for Iceland to study the Alcoa aluminum plant in Fjardal, representatives from the citizen groups joined. In advance of the study tour, open meetings were arranged to gather questions and suggestions for the agenda. Members of a local protest group were also invited to join the delegation. » F. Bjørgo, 2013

 

D’autre part, la firme 70°N a utilisé le savoir d’usage des citoyens en les convoquant pour des ateliers thématiques. Les moyens employés par la firme concordent donc avec leur objectif, qui était précisément de baser leurs Points of Departure (PODs) sur ces savoirs d’usages citoyens. (NEZ, 2011)

 

 

SHARED VISION

 

Afin d’assurer que les théories précédentes s’inscrivent dans une vision de développement durable, le groupe de recherche sur le développement durable (GRDD) de l’université d’Ohio a mis sur pied une démarche plus concrète, menée par la professeur-chercheure Myra Moss, spécialisée en développement économique et aménagement des communautés. La démarche s’appuie sur la définition du développement durable formulée en 1987 par le World Commission on Environment and Development :

 

           « Sustainable development is development that meets the needs of the present generation without compromising the ability of future generations to meet their own needs. »

 

 

Le modèle traditionnel de consultation citoyenne rencontre plusieurs difficultés limitant son rôle d’identifier les besoins collectifs des différents groupes d’intérêts. En s’appuyant sur les 4 pierres angulaires du développement durable, le groupe de recherche dessine un modèle conceptuel permettant de révéler une vision collective et d’en planifier sa concrétisation.

 

 

1. Inclusion sociale

 

Ce principe traite de l’importance de réduire les barrières à l’engagement social afin d’enrichir la participation citoyenne d’une diversité de groupe d’intérêt. Une suite de trois actions permet d’y arriver :

 

  • Création d’un comité d’orientation du développement durable (CODD) dont le mandat est de représenter équitablement les différentes valeurs de la communauté, tel que l’illustre le schéma de la roue de Lasswell, ci-gauche (Laswell, 1958). Cet outil encourage la diversité et ouvre la porte à de nouveaux leaders provenant de communauté d’intérêt autrement limités dans l’expression de ses droits lors des projets d’aménagement.

  • Le CODD a également pour mandat d’assurer l’inclusion des différents groupes de population, dont les marginaux. Il s’agit, par exemple, des gens confinés au foyer, des ménages à revenus faible, des aînés, des groupes religieux, des sans-abris ainsi que les groupes ethniques et raciaux.

  • Le CODD doit finalement établir des moyens efficaces pour mettre à bas les barrières de consultation. Par exemple, se rendre directement sur les lieux de rencontres des groupes marginaux, dans des formules légères de 20 à 30 minutes.

 

 

2. Long terme

 

Ce principe porte à utiliser une planification à long terme qui vise à répondre aux besoins des résidents d’aujourd’hui sans compromettre les ressources nécessaires pour les générations futures. Ainsi, il est possible de rêver aux potentiels à venir sans être limité par les défis immédiats. En règle générale, les participants réalisent qu’ils ont désormais le temps de résoudre des problèmes complexes tout en rêvant d’un futur idéal. Une fois cette vision définie, la communauté revient en arrière et réfléchit aux défis actuels en établissant des objectifs de courts, moyens et longs termes. Afin de faciliter la réflexion et les échanges entre participants à l’établissement d’une vision partagée, le GRDD propose deux questions ouvertes ;

 

  • Quelles sont les éléments que vous chérissez le plus dans votre communauté? Ce qui détient le plus de valeur à vos yeux?

  • À quoi ressemble la communauté dont vous rêvez pour vos petits-enfants?

 

La formulation de questions sur l’environnement général encourage une réflexion englobante de sa communauté. Il devient ensuite possible pour le CODD d'identifier des thèmes communs qui ressortent des séances afin d’établir une vision collective. La prochaine étape est de formuler des objectifs de développement durable clairs.

 

 

3. Équilibre et inter-relation

 

Il s’agit d’établir un équilibre entre les secteurs sociaux, économiques et environnementaux du développement à venir. C’est un moment clé pour mobiliser la communauté dans l’établissement d’objectifs par type de valeur, comme l’illustre plus haut la roue de Lasswell (pouvoir, affection, compétences, savoirs, richesse / pauvreté, bien-être, respect et rectitude). L’objectif est de conscientiser la communauté aux différents agendas et d’inter-relier leur développement.

 

 

4. Indicateurs multi-dimensionnels

 

Un processus de consultation durable nécessite la création d’indicateurs significatifs adaptés aux objectifs établis par la vision partagée. Ainsi, chaque membre de la communauté peut suivre la progression vers les objectifs établis. Chaque organisation et individu au sein de la communauté peut prendre conscience de l’impact (positif comme négatif) de leurs activités quotidiennes dans un projet mené par une vision collective.

 

 

 

 

Le projet étudié actuellement n’est pas réalisé à cette étape. Le mandat de 70°N était de livrer un rapport de vision collective, qui servira éventuellement d’outil afin de mesurer le taux de réussite des projets de développement. Ces projets eux-mêmes devraient se baser sur ce document afin d’augmenter l’accessibilité sociale de la communauté.

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